I- Des origines prometteuses
C'est par une nuit d'avril, en 1977, que naît dans la région d'Oxford, en Grande Bretagne, un joli poulain argenté. Milton, de son premier nom Marius Silver Jubilee, a des origines prometteuses. Son père, Marius, est un champion international de CSO qui s'est distingué sous la selle de Caroline Bradley. Epauletta, sa mère, une habituée plus modeste des terrains de concours, possède d'excellentes origines.
Caroline Bradley, alors l'une des plus grandes cavalières internationales, décide d'acquérir ce poulain exubérant et affectueux de son ex-monture. Elle le rachète à son naisseur, John Hardling -Rolls, pour 1000 livres. Elle commence à le sortir en concours à quatre ans. Hélas, cette cavalière d'exception est terrassée par un infarctus durant un concours. Les Bradley, accablés par ce décès soudain, se défont de la plupart des chevaux de leur fille. ils décident de confier Milton à un cavalier d'envergure internationale.
Ils pensent à John Whitaker, dont l'équitation et l'esprit plaisaient beaucoup à Caroline. Mais John, alors accaparé par une tournée en Ecosse, ne répond pas immédiatement à leur appel. Déçus, les Bradley décident de confier leur protégé à Steven Hadley. Dans l'année qui suit, Milton se blesse les tendons. Il est retiré de la compétition pendant dix-huit mois.
Après ce repos forcé, Milton prend cette fois le chemin de l'écurie de John Whitaker, dans le Yorkshire, au printemps 1985. Durant le premier été, le cavalier travaille beaucoup Milton sur le plat et en extérieur, s'efforçant de fortifier ses tendons. En août, il emmène le cheval sur ses premiers concours nationaux. Le cheval saute si bien que John Whitaker décide de l'emmener sur le circuit Coupe du Monde "juste pour lui montrer l'ambiance, les voyages, les obstacles, les couleurs et le public." Mais Milton rafle quelques trophées et surtout il vole la première place de la Coupe Volvo à Bordeaux, au nez et aux moustaches de Jappeloup sur son propre terrain.
Milton était un vrai cabotin, qui aimait se montrer en public. un jour, il fit un petit saut de cabri à la remise des prix, par excitation. Ensuite, John Whitaker s'exerça à la cabriole à la maison. Milton en faisait de superbes lors des remises de prix !
Milton détestait les nattes : il fit ses premiers concours natté, mais la séance de nattage le stressait. Après 1986, il entra sur tous les terrains crinière au vent.
II- Le début d'un grand duel
Au Championnat d'Europe à Saint Gall, en 1987, Milton arrive deuxième derrière Jappeloup. Le grand duel entre le blanc et le noir ne fait que commencer : il se poursuit jusqu'à la fin de la carrière de Jappeloup, les deux chevaux se volant la vedette à tour de rôle.
En mars 1988, Milton est dans une forme extraordinaire : il remporte six victoires et deux grands prix Coupe du Monde. Mais ses meilleures années sont devant lui. En 1989, il remporte la médaille d'or au Championnat d'Europe à Rotterdam. Dans une forme splendide, selon son cavalier, "Milton vole, Milton plane ; sa puissance, sa souplesse, son élasticité, sa réactivité et sa générosité sautent aux yeux". En 1991, Milton gagne la Coupe du Monde à Dortmund, sur des parcours vraiment énormes, remportant une victoire symbolique : depuis onze ans, les Européens n'avaient plus réussi à reprendre la Coupe aux Américains !
Caroline Bradley avait été injustement écartée de la sélection olympique en 1976. Les Bradley avaient donc été clairs dès le départ : pas de jeux olympiques pour Milton. Mais, finalement, au vu des performances du cheval, il reviennent sur leur décision : en mars 1992, ils donnent le feu vert pour les Jeux de Barcelone. Ils voulaient permettre au cheval de décrocher la plus haute distinction, la seule qui lui manquait : l'or olympique ! Hélas, la chaleur catalane est particulièrement éprouvante pour les chevaux d'âge comme Milton, qui a atteint sa quinzième année : s'il ne commet qu'une petite faute dans l'épreuve par équipe, il échoue dans la finale.
En 1993, Milton accumule les problèmes de santé. Mais, après neuf mois d'absence, il revient peu à peu à son meilleur niveau. Hélas, il n'est plus tout jeune. En décembre 1996, il commence sa tournée d'adieu à Londres, où le public l'ovationne, avant de prendre sa retraite dans les vertes prairies du Yorkshire. Il jouit pleinement de sa retraite sous l'oeil attentif de John Whitaker, qui le sort régulièrement en ballade. Choyé par les enfants Whitaker et par ses propriétaires, il coule des jours heureux, bien mérités.
Ce champion tardivement découvert s'est malheureusement éteint l'année dernière, d'un problème digestif comme il avait souvent été victime.
Photos et texte : éditions Atlas