En Bretagne, avant l'arrivée des tracteurs, aucun autre animal de la ferme ne bénéficie d'autant de sollicitude que le cheval. Le paysan breton, outre les soins réguliers qu'il lui prodigue, le place sous la protection de l'un des nombreux "saints vétérinaires" locaux, qu'ils se nomment Eloi, Alar, Gildas, Hervé, Salomon, Envel, ou encore Yves. Une fois par an, il le conduit dans leurs minuscules sanctuaires de campagne, dont le pays est constellé, pour effectuer son pèlerinage traditionnel. L'aspersion à la fontaine, le saut du ruisseau, la baignade dans l'étang, la cavalcade dans les grèves ou la course dans la prairie, les pratiques rituelles sont multiples qui visent à mettre son compagnon de labour à l'abri de toute maladie, de tout accident. Le pardon des chevaux aux chapelles est un des temps fort de l'histoire d'amour entre le paysan et l'animal.
I - Le pouvoir des "saints vétérinaires"
En Bretagne rurale aux siècles derniers, les animaux de la ferme font en quelques sorte parti de la famille. Pour de nombreuses petites exploitations, la perte d'un cheval est une catastrophe aussi bien financière que sentimentale. Il est donc nécessaire de tout faire pour assurer sa protection. A une époque où la médecine a encore peu fait son entrée dans les campagnes et où l'argent fait défaut pour payer un homme de l'art, le paysan breton place toute sa confiance dans le pouvoir des nombreux "saints vétérinaires". Il les trouve dans les petits villages et c'est en particulier lors des pardons qu'il les consulte. Ces fêtes religieuses valorisent et rassurent ceux qui, en compagnie de leurs bêtes, y prennent part. Le pardon est un des moments privilégiés pour effectuer les démarches de recours.
II - Des pèlerins à quatre pattes
L'originalité des pardons de chevaux est évidemment marquée par la participation des animaux à la fête dans tous ses aspects, profanes ou religieux. On pèlerine à quatre pattes, sans allusion au retour de la fête, bien entendu ! La pérégrination est rarement longue car les saints des chevaux sont honorés en de nombreux points de la Bretagne et on sait où les trouver. La concurrence est parfois vive entre les uns et les autres. Pour les chevaux autant que pour les hommes, c'est vraiment leur jour.Pas question ce jour là de les attaché ou de les faire travailler : les chevaux savent que ce jour là c'est leur fête !
III - L'arrivée à la chapelle
Les arrivées au sanctuaire se font en confondu. En général, les cavaliers commencent par effectuer trois tours autour de la chapelle, dans le sens de rotation du soleil. Cette déambulation rituelle est universelle et génératrice de puissances magiques. Le circuit est accompagné de prières, la chapelet en main, la tête nue. En passant devant le porche grand ouvert de la chapelle, la tradition impose au cavalier de faire saluer le saint par son cheval. Après les vêpres, le cavalier monte au galop vers le ti marc'h (maison du cheval où se trouve Saint Eloi et un cheval en bois) où il fait trois tour de la bâtisse en redressant la tête de sa jument lorsqu'il passe devant pour lui montrer la statue de saint Eloi.
IV - Offrandes
Le plus souvent c'est après avoir tourné autour de la chapelle que le pèlerin s'acquitte de sa dette, en remerciement d'une guérison, d'un beau poulinage ou encore d'un cheval sorti d'un bourbier. L'originalité des pardons des chevaux se fait surtout par le don de crins car c'est l'objet qui touche de plus près l'animal. Ainsi le cheval paye en quelques sorte de lui même.
V - La bénédiction
A l'issue de l'office, messe ou vêpres, le prêtre va bénir les chevaux : il occupe généralement une position élevée ; le voici donc qui donne la bénédiction aux chevaux et leurs cavaliers autour de la chapelle. On donne généralement un bout de pain béni, et on en ramène un bout pour les chevaux qui n'ont pas pu assisté à cette bénédiction.
VI - Le feu de joie
C'est en général non loin de la fontaine où se rend le cortège qu'a lieu le feu de joie. Le village, plusieurs jours auparavant, va dans la forêt chercher des branches mortes et les entassent joliment pour ce feu qui sera allumé par le prêtre du village ou une autorité de la commune.
VII - L'eau et le cheval : un rite ancien
En prenant maintenant direction vers la fontaine, nous allons entrer dans la religion populaire avec des rites anciens où l'eau et le cheval jouent les premiers rôles. L'eau est une substance magique et médicinale : elle féconde et guérit. La fontaine est un élément indispensable à tous les pardons. Après le salut traditionnel, chaque cavalier mène sa monture jusqu'à la fontaine sacrée. Un pauvre du hameau doit maintenant jeter sur chaque parties sensibles du cheval un seau d'eau. Ces parties symbolisent la fécondité.
L'eau du saint est encore bénéfique quand elle s'écoule dans une mare ou un étang. C'est pourquoi on procède également à la baignade des chevaux dans des pièces d'eau situées près des chapelles. Les chevaux et leurs cavaliers effectuent généralement trois tours de l'étang.
VIII - Bêtes endimanchées...
Le pardon des chevaux fait avant tout la fierté des éleveurs. Extrêmement présentent à tous les moments de la journées, les bêtes attirent tous les regards. On leurs tresse les queues et crinières, on cire les sabots ...