Le cheval est-il intelligent ?

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I- Un peu d'histoire

Au début du siècle, il y a eut une grande controverse en Allemagne autour du "phénomène Hans", ce cheval qui au nom de son dresseur et de la foule, se montrait capable de faire des additions. Le dresseur lui présentait 2 nombres et le cheval frappait le sol du pied autant de fois que le résultat. Hélas, Hans ne montra plus la même aptitude lorsque des scientifiques lui firent la même expérience hors de la présence du dresseur.

Le côté remarquable de l'histoire est que le dresseur aidait involontairement son cheval à réussir et que les scientifiques le plaçaient involontairement dans des conditions susceptibles de le troubler, chacun ayant sa propre attente. Le maître voulait posséder un animal hors du commun alors que les scientifiques doutaient, penchant peut être à cette époque pour la théorie de Descartes et de ses animaux machines, dont les cris, en cas de blessure, ne signifieraient rien de plus que les grincements d'une roue mal huilée.

II- attentes et contresens

Les illusions et les trucages contribuent à masquer la réalité. Hans ne savait peut être pas compter jusqu'à 5 mais les chevaux qui travaillaient dans les mines de charbon de Pas de Calais jusqu'au milieu du siècle dernier savaient compter jusqu'à 18. C'était le nombre de wagonnets que les mineurs étaient autorisés à leur faire tracter. Mais s'ils étaient peu remplis, on en rajoutait 2 ou 3. Or, une fois le 18ème accroché, le cheval, qui avait écouté les bruits de roulements et d'accrochages, s'énervait et voulait se mettre en marche, sachant que le compte habituel était atteint !

Lorsque vous voyez au cirque un cheval faire "oui" ou "non" de la tête en réponse à trois questions, vous vous dîtes qu'il y a un truc... Il y a un truc ! Le cheval a appris à reproduire ces gestes dans cet ordre déterminé sans comprendre pour autant les questions et reproduira cet ordre si vous intervertissez les questions.

III- la sagesse des instructions officielles

Les chevaux que vous fréquentez comprennent sûrement "au pas", "au trot", "au galop", "ho, ho", "là" et peut être quelques autres expressions ; et vous avez probablement vu des chevaux qui répondaient aux demandes du moniteur alors que les cavaliers n'ont pas encore agi.

D'où vient le fait que le cheval soit peu coopératif ou rétif ?

- on le remise et confine comme une machine à l'écurie où son cerveau fonctionne au ralenti pendant des heures ;

- on lui fait faire mécaniquement un travail ennuyeux ;

- on le récompense peu, alors que la motivation positive est capitale pour l'apprentissage et la mémorisation ;

- on le puni alors que c'est moins déterminant et parfois néfaste ;

- on ne sollicite ni exerce ses capacités mentales, de sorte qu'elles ne lui permettent même pas de comprendre son milieu ni de s'y adapter convenablement.

Or la parole permet d'être précis, de compenser des aides approximatives ou mal comprises, puis de laisser faire, donc d'éviter la passivité. Elle permet aussi d'exercer le potentiel d'intelligence du cheval et d'établir une meilleure relation avec lui.

IV- les critères de l'intelligence

Les spécialistes du comportement animal ont dégagé certains critères qui permettent de classer les espèces selon le niveau de leurs aptitudes mentales. Ils ont remarqué que les animaux les plus aptes à la résolution de problèmes assez complexes sur le plan pratique et sur celui du raisonnement sont ceux qui mettent longtemps à devenir adultes, ont une vie longue et se reproduisent lentement, ce qui est le cas des grands herbivores dont le cheval. Pourquoi ? Parce qu'une longue vie exige de pouvoir s'adapter aux changements qui affectent le milieu au fil du temps, donc de le comprendre et de se montrer débrouillard. Pour cela, il faut aller longtemps "à l'école" des grands, être longuement éduqué par une mère qui ne soit pas débordée par une famille nombreuse. Précisément, le cheval peut vivre très longtemps, il ne devient adulte qu'entre 5 et 7 ans selon sa race et demeure assez longtemps près de sa mère qui le porte 11 mois et n'a qu'un poulain à la fois. Le jeu, activité favorite du cheval, apporte une capacité à faire semblant, à imaginer et anticiper des réactions.

V- la mémoire

Toutes les opérations mnésiques nécessitent de l'intelligence. Inversement, on ne peut être intelligent si l'on oublie au fur et à mesure ce qu'on sait ou ce qu'on sait faire. Or la mémoire du cheval est réputée et à juste titre. Il en est de même pour tous les grands herbivores à la longévité importante : on ne peut s'adapter aux modifications de l'environnement si on ne sait pas utiliser ce qu'on a appris et retenu des diverses expériences antérieures. Or, la première condition pour une bonne analyse des données, c'est de les percevoir et d'avoir une "sensorialité" bien développée. Les sens du cheval sont importants :

-son ouïe est supérieure à la nôtre : il entend plus loin, perçoit des sons de basse fréquence et des ultrasons inaudibles pour l'homme ;

- la positon de son oeil lui permet un plus large champ de vision latérale ;

- son odorat est imbattable ;

- sa sensibilité tactile, accrue par les poils, lui permet de sentir les petites pattes de mouches trottinant sur lui et même le vol d'une guêpe à 20 cm.

Sensorialité performante, mémoire, faculté d'analyser des données, tout cela implique un cerveau capable de les enregistrer et de les traiter. Mais il faut aussi aborder la question du câblage. Les neurones ont une tendance naturelle à se relier entre eux ; mais encore faut-il leur donner un petit coup de pouce, et si possible dans le bon sens. Dans le milieu artificiel, il existe de nombreux facteurs qui empêchent les connexions ou les font s'établir de travers :

- beaucoup d'objets, d'actions humaines sont sources d'un stress suscitant des réactions irréfléchies et des associations inadéquates, l'utilisateur du cheval sachant rarement lui rendre compréhensible ce qui se passe dans son environnement ;

- l'homme préfère souvent que le cheval travaille mécaniquement, sans comprendre, empêchant des associations de se former, alors qu'il serait important de pouvoir les utiliser ;

- 23 heures par jour d'inactivité et de confinement dans le même cadre restreint ne sont pas faites pour structurer le cerveau, qui sommeille beaucoup trop longuement.

Non, le cheval domestiqué n'est pas réellement intelligent en général. Oui, son potentiel d'intelligence est néanmoins important. Et voilà pourquoi on ne s'accorde pas entre utilisateurs : on ne parle pas de la même chose lorsqu'on emploie le mot "intelligence". Le cheval ne naît pas intelligent (l'enfant non plus), mais il peut le devenir si les circonstances sont favorables. Or les circonstances, ce sont les hommes qui les fabriquent. D'où un optimisme mesuré : les hommes mettront sans doute un certain temps à repenser leurs habitudes et à réaliser que les muscles ne répondent bien et volontiers que lorsque le cerveau qui les commande est lui-même en bon état de marche.